Epigraph Vol. 24 Issue 3, Summer 2022

La formation des enseignants et des intervenants en santé vise à améliorer la sécurité, à remédier à la stigmatisation et à l’écart de traitement en Inde

Read in English

Par Nancy Volkers, responsable des communications de la Ligue internationale contre l’épilepsie (ILAE)

Traduit par le Collège de traducteurs français 


Cite this article: Volkers N, Auvin S. La formation des enseignants et des intervenants en santé vise à améliorer la sécurité, à remédier à la stigmatisation et à l’écart de traitement en Inde. Epigraph. 2022;24(2):14-18.


Les écoles représentent un milieu idéal pour permettre le dépistage de l’épilepsie chez les enfants et développer des programmes éducatifs visant à améliorer les connaissances et à lutter contre la stigmatisation et les fausses idées associées à l’épilepsie. Dans les écoles, on doit pouvoir également fournir les premiers secours en cas de crise, y compris, lorsqu’indiquée, l’administration de médicaments d’urgence aux élèves, enseignants et personnel touchés.

Dans la plupart des pays, on ne demande pas que les enseignants aient des connaissances sur l’épilepsie ou sachent comment intervenir lors de crises chez les élèves, toutefois dans au moins six États américains et un État australien on a établi des lois afin de créer des « écoles sécurisées », et qui demandent aux enseignants un certain niveau de formation dans la gestion des crises épileptiques.

Headshot of Dr. Sulena Singh
Dre Sulena Singh (Inde)

La formation des enseignants et des équipes mobiles de dépistage médical en Inde

Pour mieux comprendre l’écart de traitement de l’épilepsie chez les enfants, et combler cet écart dans le milieu scolaire, le Dre Sulena Singh et ses collègues ont élaboré un projet de trois ans d’enquêtes et d’activités de formation. Le projet est financé par le conseil indien de la recherche médicale à Delhi.

Le groupe a examiné les registres des unités mobiles de dépistage de la santé visitant dans tout le pays chaque école gérée par le gouvernement, et retrouvés dans  le programme national de santé infantile de l’Inde (Rashtriya Bal SwasthyaKaryakram, ou RBSK). Une fois par an, ces unités examinent chez chaque élève environ 30 maladies et affections, y compris l’épilepsie.

L’étude du Dre Sulena a montré que sur les 60 000 écoliers dépistés par le programme RBSK, seulement  41 avaient été répertoriés avec une épilepsie alors que les statistiques suggèrent que ce nombre devrait plutôt se situer entre 480 et 600 enfants, a-t-elle déclaré.

Une forte stigmatisation explique que les parents nieront qu’un enfant soit atteint d’épilepsie, même  lorsqu’un agent de santé communautaire a observé que cet enfant a eu des crises, a ajouté le Dre Sulena. Les enseignants et les administrateurs scolaires peuvent aussi être réticents à permettre aux enfants atteints d’épilepsie l’accès à l’école. Ceci, combiné à la stigmatisation sociale de l’épilepsie et aux possibles problèmes d’apprentissage et de cognition, peut conduire à des résultats scolaires insuffisants, à des occasions manquées et à une qualité de vie insatisfaisante tout au long de l’âge adulte.

« Les enseignants sont importants »

Le Dre Sulena et ses collègues ont élaboré un programme de formation d’une journée offert aux  enseignants et aux agents de santé mobiles dans une région rurale du Pendjab, dans le nord de l’Inde.

Peope acting out a demonstration on how to properly respond to a seizure during an interactive teacher education program on epilepsy in India

Une démonstration sur la façon de réagir à une crise lors d'un programme interactif de formation des enseignants sur l'épilepsie en Inde

« Les enseignants sont importants – les enfants sont pour la moitié de leur temps  à l’école », a-t-elle souligné. « Si les enseignants ont une attitude positive à l’égard de cette maladie et soient plus ouverts et solidaires face à ces  enfants qui ont des crises, je pense que cela contribuera à améliorer la couverture des soins en épilepsie. »

Le programme de formation comprenait des conférences interactives sur l’épilepsie, ainsi que des jeux de rôle. Il traitait de connaissances générales sur l’épilepsie; des besoins éducatifs des enfants atteints d’épilepsie; des premiers soins en cas de convulsions, y compris l’utilisation de médicaments d’urgence; de la communication avec les parents d’enfants atteints d’épilepsie; et de la stigmatisation.

L’objectif, a déclaré le Dre Sulena, est de créer des « ambassadeurs de l’épilepsie » – des enseignants qui comprennent les besoins en matière de santé, de sécurité et d’éducation de ces enfants atteints d’épilepsie et qui peuvent servir de ressources auprès des autres professionnels de l’éducation.

Une réponse positive

La réponse a été très positive,  et la formation d’une journée a  attiré 250 enseignants et agents de santé mobiles.

« Les enseignants étaient intéressés à en apprendre davantage sur l’épilepsie », a-t-elle déclaré.  « Le lendemain de la formation, ils nous ont envoyé des photos d’une assemblée matinale d’eux éduquant d’autres enseignants et étudiants. Ce fut très inspirant pour eux.

Le Dre Sulena et ses collègues regardent maintenant  les sondages administrés  avant et après la formation aux participants et en analysent les données. Afin d’améliorer le processus de dépistage RBSK, ils rencontrent régulièrement les agents de santé mobiles afin de pour renforcer et d’approfondir leurs connaissances sur l’épilepsie.

L’écart des connaissances et l’impact de la formation

La recherche sur les connaissances et les attitudes des enseignants et du personnel à l’égard de l’épilepsie et des enfants atteints d’épilepsie, montre souvent des lacunes. De nombreuses études révèlent que les enseignants ne connaissent pas les procédures de premiers soins en cas de crise, certains ayant des idées mal avisées et potentiellement dangereuses, par exemple introduire quelque chose dans la bouche d’un enfant pendant une crise.

Dr. Sulena Singh giving a lecture during an interactive teacher education program on epilepsy in India

Le Dre Sulena donne une conférence lors d'un programme interactif de formation des enseignants sur l'épilepsie en Inde

Comme d’autres citoyens et membres du public, des enseignants croient que l’épilepsie est contagieuse ou causée par de mauvais esprits, affectant possiblement la manière dont ils traitent les élèves atteints d’épilepsie. De nombreux enseignants ne connaissent pas les conséquences cognitives et sociales potentielles de l’épilepsie, qui peuvent aussi affecter l’apprentissage et le bien-être de ces élèves.

Les programmes de formation des enseignants améliorent leurs connaissances et les attitudes envers les élèves atteints d’épilepsie. De meilleures connaissances sur l’épilepsie réduisent la stigmatisation et la peur, et encouragent de meilleures attitudes envers les élèves qui en sont atteints.

Les interventions peuvent être variées et incluent des conférences, vidéos, matériel écrit et autres initiatives. Plusieurs études montrent que ces initiatives améliorent chez les enseignants et de façon significative la sensibilisation à l’épilepsie, ce qui résulte en une confiance accrue vis-à-vis des élèves atteints d’épilepsie et en une meilleure gestion des crises.

Par exemple:

Une étude menée auprès de 259 enseignants en Arabie saoudite a montré que 46% connaissaient les bases des premiers soins en cas de crise; un pourcentage augmenté à 84% après une conférence éducative et une discussion sur l’épilepsie. L’intervention a amélioré tous les aspects de la sensibilisation à l’épilepsie.

Une étude menée auprès de 226 enseignants stagiaires au Nigéria a révélé qu’une conférence et une séance de discussion de 90 minutes amélioraient tous les aspects des connaissances sur l’épilepsie et permettaient de discuter des attitudes négatives et idées erronées ou fausses.

Une étude menée auprès de 73 enseignants au Liban a révélé que 64% croyaient qu’il était nécessaire de mettre quelque chose dans la bouche d’un enfant lors d’une crise. Après une intervention éducative, seulement 14 % conservaient ce point de vue.

Une étude menée auprès de 123 membres du personnel scolaire en Italie a montré que seulement 10 % de ceux qui n’avaient pas reçu une formation sur les crises se sentaient à l’aise d’administrer des médicaments de secours, comparativement à 63 % des membres du personnel ayant reçu cette formation.

Un momentum favorable pour des effets durables

Les interventions doivent être adaptées à la culture et aux besoins de la communauté. Les préjugés sociaux envers les personnes atteintes d’épilepsie peuvent varier et être plus importants dans certaines régions ou dans certains pays : Par exemple, une étude faite dans l’état de l’Uttar Pradesh au nord-est de l’Inde a révélé que 87% des enseignants de cette région ne voudraient pas que leur propre enfant épouse une personne atteinte d’épilepsie, alors que par comparaison une étude thaïlandaise a montré que 36% des enseignants ont eu la même opinion .  Les croyances sur les causes de l’épilepsie varient également, et des concepts religieux ou surnaturels façonnent parfois la façon dont les personnes atteintes d’épilepsie sont perçues et traitées.

Schoolteachers attending an interactive education program on epilepsy in India

Enseignants participant à un programme éducatif interactif sur l'épilepsie en Inde

Bien qu’une seule intervention éducative puisse amener des avantages immédiats, il est nécessaire pour obtenir un changement à long terme d’assurer un enseignement récurrent.  Une campagne de formation d’enseignants en Italie a permis de hausser les connaissances et réduire les attitudes négatives. Trois mois plus tard, toutefois, une nouvelle évaluation montrait que le niveau des connaissances était maintenu, mais que les attitudes négatives réapparaissaient.

« L’éducation en épilepsie semble mieux corriger l’ignorance que les préjugés », ont écrit les auteurs. « Des interventions plus conséquentes  sont nécessaires pour lutter contre les comportements stigmatisants. »

Dans le but d’obtenir des effets durables, le Dre Sulena prévoit organiser davantage - et de plus larges -  sessions de formations pour les enseignants.  Elle s’est intéressée au travail du Dr Roberto Caraballo et de ses collègues en Argentine, qui ont formé plus de 4 000 enseignants en 2019 dans la province d’Entre Rios. Le programme de trois jours, approuvé par le gouvernement argentin, et avec crédits de formation continue pour les participants, comprenait des conférences, des vidéos et un court métrage.

Le Dr Caraballo pour ce cours a écrit un livre disponible gratuitement par téléchargement (en espagnol). Il prévoit, a-t-il dit, étendre le programme à d’autres provinces de l’Argentine, ainsi qu’aux pays voisins.

« J’aimerais  étendre  cette formation à une plus grande échelle afin que davantage d’enseignants soient impliqués, non seulement dans un seul district de l’Inde mais dans l’ensemble du pays », a déclaré pour sa part le Dr Sulena. « Cela aiderait à apporter un réel changement dans la société. »

Ressources en ligne gratuites

Epilepsy Foundation of America

  • Un programme virtuel de formation de 75 minutes pour les enseignants, les chauffeurs d’autobus, les aides et autres membres du personnel de l’école – audio en anglais avec sous-titres anglais ou espagnol
  • Un programme virtuel de formation pour les infirmières scolaires
  • Plusieurs vidéos éducatives avec audio en anglais et sous-titres traduits dans plus de 90 langues et dialectes

Épilepsie Ontario (Canada)

Epilepsy Action Australia: Programme scolaire d’information et de formation “Seizure-Smart”

Epilepsy Southwestern Ontario : Trousse d’outils pour enseignants